La Rédaction
7 min lu
15 Aug
15Aug

Moundou est la seconde ville du Tchad. Elle est située à l’extrémité sud-ouest du pays, à 470 km de N’Djaména, la capitale. Cette ville est construite sur la rive gauche du fleuve Logone. Moundou tire son nom d’une herbe appelée « Mou » dans le pays Ngambaye. Cette paille est utilisée entre temps par la population pour la toiture des cases. 

L’histoire raconte que Moundou a été créée le 28 novembre 1923 comme un poste de commandement par le Sergent Roussel. Aujourd’hui, la ville de Moundou est considérée comme la plus petite de toutes les villes du Tchad. De par sa position géographique, elle est implantée sur la rive gauche du fleuve Logone. C’est aussi la capitale économique du Tchad et le chef-lieu de la province du LOGONE occidental. 

Les derniers recensements rapportent que cette ville compte près de 200.000 habitants avec une croissance démographique de 2 % par an, répartis sur près de 27 km2. Plusieurs ethnies habitent la ville de Moundou. 

Conformément aux dispositions des lois organiques n°002/PR/2000 et n°007/PR/2002 des 16 février et 05 juin 2002 portant statut des collectivités territoriales décentralisées, la commune de Moundou est déclarée chef-lieu de la province du Logone occidental. Aux termes des dispositions du décret n°039/PR/MISD/99 du février 1999, portant création des arrondissements municipaux dans la ville de Moundou, la mairie de Moundou est aujourd’hui subdivisée en 4 arrondissements, 32 quartiers et 251 carrés. C’est aussi le chef-lieu du département de Lac-Wey.

Commune de Moundou

L’économie de la ville de Moundou repose en grande partie sur l’agriculture. Les produits agricoles tels que les arachides, le mil, le sorgho, le sésame, alimentent la balance commerciale. Nonobstant les difficultés rentrées çà et là, les entreprises de production commune, la Coton-Tchad Société Nouvelle qui fait dans la transformation et la commercialisation du coton, les Brasseries du Tchad, le complexe industriel des abattoirs du Logone contribuent énormément à l’essor économique de cette ville. 

Cependant, l’absence des voies maritimes, ferroviaires et l'insuffisance, sinon le manque des voies routières adéquates jouent énormément sur l’économie locale. Le Tchad entier est un pays enclavé et la ville de Moundou est inscrite sur la liste des victimes collatérales de cet État. Même s’il faut souligner le fait qu’elle fasse frontière avec le Cameroun et la République centrafricaine, cette ville en peut étendre sa coopération dans le but de tirer des bénéfices économiques. 

Brasserie du Tchad à Moundou


Il est vrai qu’il existe beaucoup d’entreprises de production à Moundou telles que la Coton-Tchad SN, les Brasseries du Tchad et autres, mais beaucoup reste à faire pour booster son économie. En rappel, nous venons d’assister à la « mort prématurée » de la manufacture de cigarettes au Tchad (MCT) qui apporte énormément à la commune en termes de taxes. 

Un autre facteur et non le moindre qui étouffe le développement économique de Moundou est l’instabilité politique permanente au Tchad. Pour tout dire, beaucoup d’investisseurs locaux, nationaux et internationaux ont peur d’investir à Moundou par crainte d’un potentiel échec. Il y a une confusion entre la pratique de la politique et le développement local. Les opportunités d’affaires sont restreintes par des individus véreux qui se croient intouchables. 

À Moundou, qui détient la politique, détient le commerce. Or, cette commune dispose de plusieurs marchés animés tous les jours avec des produits de qualité qui devraient attirer des investisseurs.

Cela fait déjà plusieurs années que le marché de parrainage du Sésame cause énormément de problèmes à Moundou. Les responsables communaux ont de la peine à s’assumer, donc d’asseoir une bonne gestion du système de parrainage à cause du poids de la politique. Chaque commerçant qui a le carnet d’adresse veut imposer sa volonté, et la grande partie de ces décisions, qui doivent être prises par des maires, vient souvent des cols blancs. Ce climat qui tue l’économie de la ville. 

Cependant, on ne peut pas dire que tout est perdu, car pour le sociologue Djimrabeye Richard, « Moundou, économiquement, dispose quand-même des entreprises et ces entreprises ont des potentialités à divers niveaux, comme au niveau de la transformation des matières premières, mais également des entreprises de prestation de service ainsi de suite. » Et donc, à ce niveau, Moundou constitue une source de développement du Tchad. 

Il a également souligné sa position géographique qui le place à mi-chemin entre le Cameroun et la République centrafricaine, qui reste un véritable atout en terme de communication. « Moundou, de par sa position avec les pays voisins, mais également les autres provinces, à savoir le Logone oriental, le Mandoul, le Moyen-Chari, la Tandjilé et les deux Mayo-Kebbi, constitue une zone potentiellement disponible pour le développement du Tchad », renchérit-il.

Djimrabeye Richard

Hormis ces opportunités d’affaires, la ville économique du Tchad connait constamment une instabilité politique et administrative qui fait entorse à son développement. Le sociologue Djimrabeye Richard fait mention du changement régulier des élus locaux à la tête de la commune. Ce qui ne permet pas vraiment aux Maires d’asseoir une bonne politique de développement. 

Parmi l’innombrable potentialité de développement et d’investissement qui existe à Moundou, le sociologue a insisté sur l’implantation de la société cotonnière du Tchad, Société-Nouvelle, et surtout l’ouverture du complexe industriel des abattoirs du Logone qui désert la sous-région en viande et même d’autres continents. Cette usine présente aussi d’autres avantages à travers ses sous-produits tels que la peau, les cornes, les sabots et autres qui sont des sources de revenus pouvant sous-tendre le développement de cette commune. 


Les Brasseries du Tchad et la Coton-Tchad œuvre dans la production et la transformation des produits alimentaires et surtout l’exportation du coton fibre qui contribue énormément à l’essor économique du Tchad. Il est bien de souligner la participation de ces usines dans l’emploi des citoyens qui permet de réduire considérablement le taux de chômage. 

Elles sont également présentes dans l’assistance de la jeunesse dans les manifestations culturelles. Ce qui relève de leurs responsabilités sociales. Choses qui n’échappent pas également aux compagnies de téléphonie mobile, notamment Airtel et Moov Africa.

Coton-Tchad de Moundou

En politique, cette ville est vue comme le bastion de l’opposition tchadienne. Ce qui la place dans une mauvaise posture face au pouvoir central. Dans les couloirs de la présence, il se raconte que les fils du terroir ont plusieurs fois gâté la politique de leur ville à travers des mensonges, des trahisons, des dénonciations, des critiques inutiles. 

Beaucoup de projets de développement seraient réorientés vers d’autres villes à cause, d’une part, du comportement des cadres de la ville de Moundou, et d’autre part, à cause de la réticence de la population face à la malgouvernance ou la politique de l’État. Pour la plupart des citoyens avertis, les « Ngambaye » (population de la province du Logone Occidental) sont des traitres.

Stade de Moundou en chantier

Cette situation a entrainé la suspension de plusieurs projets de développement, dont l’exemple palpable reste le Stade de la paix entamé en 2010. C’est une des grandes promesses faites par l’ex-Président tchadien feu Idriss Déby lors de l’inauguration de la BEAC de Moundou en 2021. 

Même si l’on fait croire que c’est la position de cette commune face au pouvoir central qui retarde son décollage socioéconomique, tout porte à croire que cela révèle une mauvaise volonté politique du gouvernement, car ce n’est pas le seul projet inachevé. À cette même date, le Président Déby avait promis réaliser plusieurs projets qui sont tués dans l’œuf.

Dans le domaine socioéducatif, on compte aujourd’hui quinze grands lycées privés et publics à Moundou, deux grandes universités (Université de Moundou créée en 2008 et Université d’Afrique centrale créée en 2022), une école provinciale de santé, une école normale des instituteurs et plusieurs autres écoles privées de formation sanitaire. 

Parmi les lieux de cultes, il y a principalement des mosquées musulmanes, des églises évangéliques et catholiques. Mais au grand regret des citoyens et particulièrement des jeunes, ces infrastructures ne sont pas bien équipées ou tout simplement pas équipées. 

À l’université de Bonon, par exemple, les étudiants sont à même le sol pour étudier ou se mettent aux fenêtres pour suivre les explications. Les salles de classes manquent cruellement de table-bancs.

Lycée de Moundou

Dans le domaine de la culture, les jeunes de la commune de Moundou, pétris de talent, n’ont pas un espace approprié pour s’épanouir. Même si on doit se référer à la maison de culture Maoundoé Naindouba, le problème n’est pas résolu, car l’espace réservé est réduit et les conditions ne sont pas réunies pour le développement de l’art de manière générale. Il manque à la jeunesse un espace culturel adéquat pour son épanouissement. 

Le témoignage du directeur artistique de l’association Tchad-Héritage et du festival Sem ta doua permet de cerner l’apport de la culture dans le développement dans cette commune : « La culture contribue effectivement au développement de la ville de Moundou ». 

Par exemple, quand on organise des grands festivals, on fait venir des artistes d’autres villes pour les loger et les nourrir. Leur déplacement et leur prise en charge impactent directement sur l’économie de la localité où l’événement est organisé. En plus, les manifestations culturelles sont des opportunités de brassages culturels et participent à la cohabitation pacifique. 

Ce qui prouve que la culture constitue un vrai levier de développement pour un peuple, a fait remarquer Maskemngar Djim-BLACK.

Maskemngar Djim-black

Toutefois, il reconnait les difficultés que rencontrent les artistes de Moundou. Pour lui, « aujourd’hui, Moundou se vide de ses artistes tout simplement parce qu’il n’y a pas un bon mécénat ». Il n’y a pas un mécène envers qui l’artiste va aller et revenir avec des subventions lui permettant de réaliser ses projets. 

L’artiste est un créateur, mais il faut quelqu’un pour l'activer, et c’est ce qui manque à Moundou. Le promoteur culturel plaide pour l’aide aux artistes de Moundou afin de leur permettre d’exercer leur rôle d’acteur de développement.

Des difficultés, il y en a encore et toujours. Si, jusqu’aujourd’hui, les gens continuent par appeler Moundou la coquette, Moundou la rose, il y a de quoi se retenir à cause des tas d’immondices et d’autres formes de saletés qui envahissent tous les quartiers. 

La difficulté vient du manque de moyens nécessaires pour enlever ces saletés. Le garage de la commune connait actuellement un marasme aigu en termes de machines appropriées qui devraient servir à assurer la propreté et la visibilité de la commune. Parler des saletés revient aussi à souligner les cas d’inondations qui menacent chaque année la vie des citoyens pendant les saisons pluvieuses. 

Un autre problème et non le moindre est l’insuffisance des lampadaires pour l’éclairage de la ville. Beaucoup de quartiers sont plongés dans l’obscurité créant ainsi une insécurité permanente.

Il y a donc lieu d’indiquer clairement le manque d’assainissement des eaux pluviales et des eaux usées qui reste une problématique majeure qui se traduit par un taux de maladies hydriques important ainsi qu’un fort taux d’impaludation qui freine le développement de la ville. Ce qui nuit considérablement aux affaires. 

Il est très difficile de circuler pendant la saison pluvieuse à Moundou. La ville de Moundou a vraiment besoin d’un soutien multiforme pour retrouver son image de capitale économique du Tchad et activer son levier de développement. 


En tourisme, nous soulignons l’existence du lac Taba qui, autrefois, contenait des hippopotames attirant ainsi de nombreux visiteurs à Moundou. Hélas, ce Lac n’existe plus aujourd’hui. Qu’à cela ne tienne, ce musée appelé Musée du Logone situé en pleine ville permet de garder quelques objets d’art essentiels. 

Pour tout dire, Moundou dispose de beaucoup d’opportunités pour les affaires et même des investissements, malgré quelques risques soulignés qui pourraient être le cas de plusieurs villes du Tchad et du monde.


Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.